21.5.14

A l'école des rescapés du Pont Kirchner > Les Saintes Maries de la Mer

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Comme promis, d'autres croquis réalisés au sein de l'Ecole du Voyage (ASET)
Cette année, j'ai retrouvé avec Yves les enfants Albanais du Pont Kirchner qu'on avait accueillis dans le camion-école en juin dernier, sur la place Carnot à Lyon. A l'automne, ils ont quitté leurs tentes sous le pont pour un village algeco.


C'était mieux que rien pour passer l'hiver. Au milieu de ce terrain vague, on se serait cru dans un vrai petit village. Comme dans le campement Rrom de Vaux-en-Velin, où les habitants avaient construit une cabane mairie-église-salle des fêtes, ici on retrouve une ambiance "voisins-voisines" avec les femmes qui discutent devant leur maisonnette, les hommes qui fument en bavardant au milieu du U formé par les containers, presqu'une place de village. D'ailleurs ici aussi, il y a un algeco pour le directeur du campement, un travailleur social, le maire en quelques sortes.


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Je suis arrivée un peu en avance, les petits Albanais aussi étaient déjà sur le pas de la porte avec leurs parents, attendant avec ferveur l'heure de la classe. Soudain, le klaxon d'Yves a retenti comme une sonnerie de fin de récré. Les petits visages jusqu'alors anxieux, dans l'attente de l'apparition de l'école mobile, se sont tout à coups éclairés comme un jour de Noël ! L'école, retrouver son instituteur et ses cahiers, le début de la vie normale...


Yves gare le camion à l'entrée du campement et ouvre la porte. Les mamans font grimper les élèves dans la petite salle de classe chauffée. Je retrouve certains enfants rencontrés sous le Pont Kirchner (le camion accueille une dizaine d'enfants, il y en avait 98 là-bas). Bayram est toujours aussi poli, et déjà sous le pont, ils étaient tous très propres et bien habillés, garçons et filles bien peignés. Les parents font des miracles.

Yves installe les enfants autour des tables, distribue les cahiers et commence la classe. J'aide les plus petits à tenir leur crayon et réaliser des lignes de boucles. Des "l" et des "e" : qui se souvient que c'était si dur d'apprendre à écrire ? Mais les enfants s'accrochent à grands renforts de feutres multicolores. Progrès assurés !



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Moment d'émotion, Yves me dit que c'est la première fois que Shykyri écrit son prénom tout seul. On chante un peu une souris verte et puis la classe se termine. C'est l'heure des Mamans. Yves en profite pour leur donner ce que des gens lui déposent pour eux : des casseroles et un moulin à poivre, des vêtements et un service à thé, un vieux batteur à oeufs. Elles sourient émues, elles n'ont rien.

À l'ASET, on s'occupe des enfants de réfugiés et des enfants Tziganes, des enfants qui aiment bien cette idée folle d'aller à l'école...


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Les Tsiganes, un peuple riche que je découvre un peu plus chaque jour.
Au détour d'une conférence, un rescapé des camps de concentration pendant la seconde guerre mondiale nous raconte la déportation des Tsiganes. Son enfance dans un cirque avec sa famille, en roulotte, et même un cinéma, comment ils amenaient la culture dans les villages autrefois. 

A cette conférence, je croise Yves ! Les instituteurs de l'ASET s'intéressent vraiment à leurs élèves, à leur culture : comprendre les codes, c'est une corde de plus à leur archet d'enseignant.

Par exemple un jour, une étudiante m'a dit : "Les parents des Gens du Voyage scolarisent de plus en plus leurs enfants, ils se préoccupent plus qu'avant de l'avenir de leurs enfants." Ça m'a amusée car je pensais la même chose avant "quoi, ils ne scolarisent pas leurs enfants, mais c'est un scandale !" Clairement, je n'avais pas les codes culturels. Il n'y a pas de notion d'avenir chez les Tsiganes, on vit au jour le jour. Ça n'empêche en rien d'aimer ses enfants, d'ailleurs les enfants sont leurs piliers.

Et puis même si on ne s'y intéresse pas, les Tsiganes croisent notre route sans cesse à Lyon. Parfois c'est les vacances scolaires, mais des enfants Rroms continuent à faire la manche dans le métro. Ce n'est pas les vacances pour tous les petits élèves de l'ASET. La petite fille joue de l'accordéon ou chante haut perché comme les femmes Tsiganes de l'est... 

Au festival de Beaurepaire, où j'ai présenté mes dessins avec les Gitans et l'école des Voyageurs, beaucoup de visiteurs ont partagé leurs expériences gitanes avec moi. Ce peuple nous touche, plus que je ne pouvais imaginer. Pourvu qu'un jour on n'ait plus peur, ni eux, ni nous. Pourvu qu'un jour, les frontières tombent entre nos cultures, sans perdre leurs richesses. 

A propos, le voyage continue : on part ce soir pour les Saintes Maries de la Mer avec le camion-école ! Je posterai ici la suite des dessins de classe au pèlerinage.